Gardez vous de cracher sur le Service Public !

Publié le par L'Héliographe

 

 


 

 

Ce matin, alors que j’achevais ma virée postale au rythme des crispations de mon estomac affamé, je me suis payé le luxe d’une remontée de bretelle par une cliente, sidérée de devoir aller chercher au bureau de poste une lettre qui avait eu le mauvais goût de ne pas être aux dimensions – plus qu’exigeantes – de sa boîte.

A titre de comparaison, autant demander à Maïté de porter des pulls S.

Au bout d’un mois de tournées quotidiennes, je commence à être capable d’identifier au seul nom d’un client son adresse, la taille de sa boîte aux lettres et l’endroit où elle se trouve parmi ses autres congénères formant le carré.

 

Or à l’arrivée d’une lettre obèse pour le 11bis, mon puissant cortex identifia immédiatement la carrure de la boîte en la mettant en perspective avec la grosse enveloppe de kraft.

Ceci enclencha la procédure habituelle en matière de surpoids postal : l’avis d’office.

 

Laissant le paquet au bureau, je partis en tournée avec l’avis de passage pré remplis soigneusement rangé dans ma musette.

Je vous vois venir : « Encore un facteur qui ne sonne pas chez les gens et qui avise les paquets sans se soucier de savoir s’ils  sont présent, pour finir plus tôt sa – courte – journée. »

Nombreux en effet sont ceux qui s’imaginent que le facteur commence sa journée à 9h, au moment où la ville s’éveille en suffoquant dans les embouteillages.

Je les invite à faire un petit stage dans le centre de tri de leur quartier : voila qui devrait en faire déchanter plus d’un.

 

Entendons-nous bien : je ne suis tenu de sonner chez les clients – et non de monter dans les étages, bien que je le fasse – que pour les lettres recommandées ou taxées nécessitant un signature du destinataire. Pas pour le reste. Autant sonner à toutes les portes sinon.

Or tel était bien le cas : pas de signature obligatoire : c’est ce qui déclencha la constipation émotionnelle de la dame.

 

A vrai dire, vous et moi la comprenons bien : qui n’a pas perdu de longues et précieuses minutes dans les queues des guichets postaux ?

Seulement voila, au lieu de mettre en cause sa boîte trop petite, la dame tempêtait contre la Poste (enfin surtout contre moi, mais tout de même) :

 

« _ C’est stupide comme système, c’est la Poste quoi !

   _ C’est la privatisation du Service Public, ça, madame, répondis-je ».

 

Ça aura au moins eu le mérite de couper court aux reproches immérités.

 

Cela fait 3 années consécutives que je bosse à la Poste comme saisonnier, l’été.

J’ai connu l’avant privatisation, et l’après privatisation. En un an seulement, les changements ont été considérables au niveau du traitement des facteurs. Plus d’eau en fraiche en bouteilles, des tournées alourdies pour en réduire le nombre… Je ne sais pas si je connaîtrais l’après ouverture à la concurrence.

 

Le comportement de cette femme était évocateur : cracher sur le Service Public tout en  regrettant son agonie (je suis certain qu’elle serait la première à hurler si la Poste disparaissait)

A trop se plaindre, il n’y aura bientôt plus de Service Public tel qu’on le connaît aujourd’hui : la mise en concurrence l’an prochain est un début.

J’ose à peine imaginer la jungle tarifaire touffue que ça va être : qui en sera la victime ? Le consommateur.

Car un service public peut fonctionner à perte. Pas une entreprise soumise aux lois de la concurrence.

Résultat : là où il y avait 3 personnes pour une tâche, il n’y en aura plus qu’une. Une seule personne qui n’est pas une machine et qui commet d’autant plus d’erreurs qu’elle a de tâches à accomplir.

L’allongement des tournées en est une illustration. L’allongement des files d’attentes dans les bureaux de poste en est une conséquence également.

 

Alors râlez contre le manque d’efficacité, contre ces « fainéants » de fonctionnaires dont vous ignorez tout des conditions de travail : vous en êtes en partie responsable.

 

Enfin, pour conclure, rappelez-vous bien que les usagers n’ont aucun droit aux Services Publics et que ces derniers peuvent être supprimés à tout moment, sans compensation aucune.

La distribution – quasi gratuite – du courrier n’ai pas un du, ni un acquis, contrairement à ce que beaucoup de monde semble croire ; et les temps ne sont pas à la philanthropie désintéressée.  

 

 

Publié dans Forum d'Eironeia

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
L
je comprend ton désarroi, oh cher ami postier!! c'est sur que le service publique était déjà pas pratique avant la privatisation mais après c'est encore pire...Il ne fallait pas privatiser mais réorganiser... mais bon faute aux usagers de ce plaindre des fonctionnaires (mais des fois ils le méritent), l'état l'a entendu alors faut plus se plaindre^^
Répondre